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aux fidèles qu’avec un bénéfice de 100 ou 200 pour 100. Les aumônes perçues pour la remise du pain bénit (prosfora) rapportent à Troïtsa de 80 000 à 100 000 roubles par an. Vers 1870, le même monastère ne tirait de ses prosfory qu’une trentaine de mille roubles, et, vers 1830, qu’un millier. On voit la progression. Il y a, en outre, le produit des messes, dites à la fois, à toute heure, dans les douze églises de la laure ; il y a les Te Deum ou les De profundis chantés devant la châsse de saint Serge. Un tiers est prélevé par le métropolite ; le surplus revient au couvent. Les moines ont le produit des Te Deum chantés par eux devant d’autres reliques ou d’autres images, et la piété des marchands de Moscou ne les laisse pas chômer.

Les grands monastères ont encore une autre source de revenus ; ce sont les auberges et les buffets établis à leurs portes et loués par les moines aux industriels qui les exploitent. À Troïtsa, les hôtelleries de la laure hébergent ainsi des milliers de personnes. Il est vrai qu’à Troïtsa même, à Petchersk, et dans nombre de couvents, les pèlerins pauvres reçoivent une hospitalité gratuite, ou bien, comme à notre Grande-Chartreuse, les voyageurs laissent en partant une aumône à leur convenance. Dans quelques monastères, les pèlerins ne se contentent pas d’une courte visite. Il en est qui, pour accomplir un vœu, y font une longue station de dévotion ou de pénitence. À Solovetsk notamment, sur les dix ou quinze mille passagers qui profitent du court été d’Arkhangel pour atteindre en bateau la citadelle monastique de la mer Blanche, plus d’un reste des mois, et parfois des années, en servage volontaire, au profit des moines.

En dehors des grands pèlerinages, il est peu de couvents qui n’attirent des visiteurs aux pieds d’une image vénérée : si tous ne peuvent venir à elle, l’image va au-devant des fidèles. Les Vierges miraculeuses, dont chaque monastère est la demeure, font chaque année des tournées dans les campagnes voisines. Conduites par les moines, elles vont