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Ces solennelles imprécations lancées par la voix de tonnerre des diacres ne réussirent pas à conjurer la sécularisation. Le tsar Alexis retira aux moines l’administration de leurs terres ; Pierre le Grand s’adjugea le meilleur de leurs revenus ; Pierre III entreprit de confisquer tous les biens de l’Église ; Catherine II ne les rendit au clergé que pour s’en faire concéder l’abandon par les autorités ecclésiastiques. Les biens incamérés par l’amie de Yoltaire, en 1764, comprenaient un million d’âmes, les femmes non comprises, selon le système de dénombrement des serfs. Les deux tiers appartenaient aux moines : Troïtsa seul avait 120  000 paysans mâles. Solovetsk possédait presque toute la côte occidentale de la mer Blanche, avec des salines, des pêcheries et une flotte de cinquante voiliers. Aux couvents de tout ordre la tsarine ne laissa que quelques terres sans serfs, des moulins, des prairies ou pâturages, des étangs pour la pêche, des bois pour le chauffage.

En s’emparant de la plus grande partie des biens des monastères, l’État s’était engagé à contribuer à l’entretien des moines. De là l’allocation « aux laures et monastères » qui figure encore au budget impérial. Cette subvention montait, en 1875, à 440 000 roubles ; en 1887 elle était réduite à 402 000. Cette somme était inégalement répartie entre plus de 300 monastères, habités par 5500 moines ou frères lais, et par au moins autant de religieuses[1]. Chacun des couvents subventionnés ne recevait guère en moyenne

  1. Outre les allocations servies aux couvents indigènes, le gouvernement russe accorde fréquemment, par l’organe du Saint-Synode ou du ministère des affaires étrangères, des subventions ou des secours aux couvents orthodoxes de l’étranger. Une partie en peut être prélevée sur les revenus des « couvents dédiés ». Il reste, en effet, dans les provinces d’acquisition récente, en Bessarabie notamment, de vastes propriétés affectées, avant la domination russe, à l’entretien de certains couvents des lieux saints, de l’Athos, du Sinaï, de Roumanie. Ces biens, légués, pour la plupart, par les hospodars moldo-valaques, ont été placés sous l’administration du ministère des domaines. Ils ont donné lieu à des difficultés entre le gouvernement roumain et le gouvernement russe, qui, dans l’emploi de leurs revenus, ne s’est pas toujours conformé aux volontés des donateurs.