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Malgré la faveur que lui témoigne encore le peuple, le monachisme, en Russie comme dans tout l’Orient, est en déclin, moins cependant qu’en Grèce et dans les autres États orthodoxes où les couvents, déjà bien réduits de nombre, sont menacés d’une prochaine disparition. Ce n’est pas seulement que notre civilisation est mortelle à l’ascétisme oriental ; que l’activité ou la sécurité de la vie moderne éloigne du cloître beaucoup des âmes qui venaient y chercher un asile ; c’est que, en Orient, la vie religieuse ne s’est point, comme chez nous, successivement adaptée à toutes les évolutions de la société pour les seconder ou les arrêter ; c’est qu’elle ne s’y est point renouvelée par le travail ou par la charité.

En outre, les deux faits qui dominent l’histoire ecclésiastique de la Russie moderne, le schisme ou raskol et l’institution du Saint-Synode, ont été presque également défavorables aux monastères. Le raskol a éloigné d’eux la portion la plus fervente du peuple ; le synode les a tenus dans une dépendance peu propice à la vie religieuse. La faveur que, à son origine, le schisme rencontra dans plusieurs d’entre eux, à Solovetsk par exemple, amena l’Église et l’État à soumettre les couvents à un joug étroit. Leur sourde opposition à la réforme de Pierre le Grand fut une autre cause de leur décadence. Le pouvoir s’appliqua à diminuer le nombre, la richesse et l’influence de ces refuges des idées anciennes. Toutes les restrictions qui se peuvent apporter à la vie monastique, sans abolir les monastères, Pierre et ses successeurs les imposèrent. La loi en garde encore la trace. Un homme ne peut prononcer de vœux qu’à trente ans, une femme qu’à quarante. On ne peut entrer dans le cloître qu’après s’être libéré de toute obligation envers l’État, la commune ou les particuliers. Le moine doit renoncer aux privilèges de sa classe, à toute propriété immobilière, à tout héritage. Un instant, Biron, le favori protestant d’Anne Ivanovna, ne permit la prise du voile qu’aux prêtres veufs et aux soldats en congé ; les vo-