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doxes des frontières. La réforme du clergé, la situation matérielle et morale des popes, la justice ecclésiastique, l’enseignement des séminaires, n’avaient pour le suprême curateur de l’Église et pour son vicaire près du Synode qu’un intérêt secondaire. La propagande au profit de l’Église d’État était leur grand souci.

Avec Protassof, l’apôtre bureaucratique de l’orthodoxie en Lithuanie et dans les provinces baltiques, le haut procureur était devenu le ministre du prosélytisme. Il l’est resté avec ses successeurs, les Tolstoï et les Pobédonostsef.

Si la propagande n’a plus été leur unique préoccupation, elle est demeurée la principale. Au lieu de calmer les passions religieuses et d’inculquer autour d’eux l’esprit de tolérance, ces tuteurs laïcs de la hiérarchie se sont donné pour mission de secouer l’apathie de l’Église et de stimuler le zèle convertisseur d’un clergé, à leur gré, trop indifférent ou trop tiède. Au lieu d’apprendre aux popes, dans leurs luttes avec les confessions rivales, à mettre toute leur confiance dans les lumières de la science ou dans la force de la foi, ils leur ont enseigné à en appeler en toute circonstance à l’appui de l’État. Au lieu de maintenir l’Église dans le cercle de sa mission purement religieuse, où elle tendait à se confiner, ils se sont efforcés d’étendre la sphère de l’activité ecclésiastique, cherchant à transformer l’Église en moyen de gouvernement et le clergé en agent politique.

Les passions nationales et l’agitation révolutionnaire ont également contribué à cette sorte de cléricalisme orthodoxe, parfois secondé à la cour par les penchants personnels du souverain ou par la dévotion de la souveraine, car, à Pétersbourg, de même qu’à Byzance, l’influence des femmes n’a pas toujours été étrangère au gouvernement de l’Église[1]. Inévitable sous un pareil régime, ce piétisme

  1. Ainsi ; par exemple, l’empereur Alexandre II cédait souvent, dans les questions religieuses, aux inspirations de sa femme, l’impératrice Marie Alexandrovna.