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Aucun acte synodal n’est valable sans sa confirmation[1] ; il a un droit de veto dans le cas où les décisions de l’assemblée seraient contraires aux lois. Chaque année, il présente à l’empereur un rapport sur la situation générale de l’Église, sur l’état du clergé et de l’orthodoxie dans l’empire et parfois au dehors[2].

Cette importante fonction, Pierre le Grand, désireux de faire marcher le clergé comme une armée, conseillait de la confier à un militaire, homme hardi et décidé. Sous Nicolas, le haut procureur fut pendant longtemps un officier de cavalerie, aide de camp de l’empereur, le comte Prolassof. De pareils choix pour un pareil poste n’avaient rien de très surprenant dans un pays et dans un temps habitués à voir les plus hautes fonctions civiles occupées par des généraux. L’impression était autre en Occident, où l’on se représentait un hussard rouge présidant en bottes éperonnées une assemblée d’évéques. Le haut procureur a, depuis longtemps, cessé d’être un hussard ; de ce côté, il n’y a plus de motifs de susceptibilité pour la dignité de l’Église, de raillerie ou de scandale pour l’étranger. Sous Nicolas, du reste, lorsque l’Église était régie par le sabre de Protassof, ce que le tsar demandait avant tout à son haut procureur, c’était de fourbir les armes rouillées de l’orthodoxie pour la mener à l’assaut des régions hétéro-

  1. Ce passage nous a été emprunté presque textuellement, par M. Elisée Reclus, dans sa Nouvelle Géographie Universelle. Comparez l’Europe Scandinave et russe, p. 903, à notre étude sur le patriarcat et le Saint-Synode, Revue des Deux Mondes, 1er mai, 1874, p. 30.
  2. L’étranger ne voit pas sans étonnement le procureur du Saint-Synode adresser officiellement à l’empereur un rapport sur les relations des autres gouvernements avec leurs sujets de rite grec, comme si le tsar était reconnu pour le patron de tous les orthodoxes, et le haut procureur pour gardien de toutes les Églises d’Orient. C’est ce qu’a fait notamment M. Pobédonostsef (Rapport de décembre 1886), prenant à partie les gouvernements étrangers : Âutriche-Hongrie, Turquie, Grèce, Roumanie, Serbie, Bulgarie, les tançant et leur faisant la leçon, reprochant à l’Autriche ses prérérences latines, à la Roumanie ses négociations avec le Vatican, aux autres leur ingérence dans les affaires ecclésiastiques, à tous les obstacles apportés aux rapports des Églises locales avec le Saint-Synode russe.