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scopal pour diriger la métropole de Hongro-Valachie », dit le roi au nouveau primat. Et le métropolitain primat et les évêques, dans leurs remerciements au prince, se félicitent de tenir la crosse de ses mains, promettant d’accomplir fidèlement la mission dont ils sont investis par Sa Majesté[1]. Il est vrai que, la cérémonie d’investiture terminée, le roi, descendant du trône, baise la main du métropolitain ; et les ministres, les sénateurs, les députés en font autant à tour de rôle. Le pouvoir temporel, satisfait d’avoir constaté sa suprématie, rend ainsi hommage à l’autorité spirituelle.

En Russie, où l’on a épargné à l’Église cette humiliante investiture du pouvoir laïque, l’empereur baise, lui aussi, la main des dignitaires ecclésiastiques, montrant que, dans l’intérieur du temple, le tsar fait partie des ouailles du troupeau et non des pasteurs. Selon l’usage national, les princes baisent la main des prêtres. On raconte qu’un curé de village hésitant à tendre sa main aux lèvres d’un grand-duc, qu’il était venu recevoir à la porte de son église, le prince impatienté s’écria : « Allonge donc ta patte, imbécile ! » Un tel hommage peut sembler tout extérieur, parfois presque dérisoire ; comme beaucoup d’actes de religion, en devenant habituel il est devenu machinal ; il n’en garde pas moins une valeur symbolique et marque la distinction entre le temporel et le spirituel.

Loin de se regarder comme un pape ou un patriarche, le tsar russe ne revendique aucun rang dans la hiérarchie. Je ne sais qu’un empereur qui ait jamais prétendu à des fonctions ecclésiastiques ; c’est le malheureux Paul Ier. Un jour, dit-on, il eut envie de célébrer la messe ; pour l’en dissuader, le métropolite de Pétersbourg dut lui rappeler qu’il avait été marié deux fois, ce que l’orthodoxie interdit

    Roumanie qui présente au roi la crosse en disant : « Je prie respectueusement Votre Majesté de donner l’investiture d’évêque du diocèse de *** au P***. »

  1. Ainsi, par exemple, Mgr Joseph, nommé archevêque primat en décembre 1886.