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bien à sa place dans un gouvernement absolu que dans un gouvernement libéral, dans une république que dans une monarchie.

Le Saint-Synode de Russie est en rapport avec le gouvernement et la société russes. Comme toutes les autorités de l’empire, il est à la nomination du souverain. À l’instar du Sénat, dont il est le pendant, il a le titre de Très Saint Synode dirigeant, c’est-à-dire administrant ; mais le code et le Règlement spirituel ont soin de constater qu’il n’agit qu’en vertu d’une délégation de l’empereur. Le Svod ne le dissimule point ; le Recueil des lois le proclame en maint endroit. Pour la puissance autocratique, le synode est l’instrument de l’administration des affaires ecclésiastiques orthodoxes ; il est pour elles ce qu’est le Sénat pour les affaires civiles[1]. Les Russes n’en contestent pas moins les déductions tirées de ces textes législatifs par les adversaires de leur Église. Il en est, disent-ils, de cette prérogative souveraine comme de toutes les prérogatives monarchiques : il est facile de les pousser à l’absurde, facile d’en tirer des conséquences outrées. En pareille matière, il est toujours malaisé de déterminer les bornes des droits du pouvoir ; ce sont moins les titres ou les textes qui en décident que les mœurs. En Russie, où il ne peut y avoir de concordat avec un pouvoir ecclésiastique étranger, l’État semble libre de régler la constitution de l’Église à son gré. En fait, le pouvoir de l’État est limité par les mœurs nationales et par les coutumes des’pays orthodoxes.

Il nous faut ici toucher un point délicat. L’étranger se représente le tsar comme le chef de son Église, comme une sorte de pape national. Aucun Russe, aucun orthodoxe n’admet de pareilles vues. L’orthodoxie orientale ne reconnaît qu’un chef, le Christ, qu’une autorité pour parler au nom du Christ, les conciles œcuméniques.

  1. Svod Zakonof, t. I, 42, 43 ; cf. Alexandrof : Shornik tserkovnograjdanskikh postanovienii. 1860.