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pourquoi Pierre Ierce grand admirateur de la Hollande et de l’Allemagne, si enclin à les copier en tout, n’a pas essayé d’implanter dans ses États le protestantisme, partout si commode aux princes. Peut-être est-ce uniquement qu’il sentait que son omnipotence y échouerait. Au lieu d’introduire officiellement la Réforme en Russie, il se contenta d’en faire pénétrer l’esprit dans l’Église et le clergé.

Le remplacement du patriarcat par un synode a eu beau s’effectuer sous des influences étrangères, en partie hétérodoxes ; il a eu beau fournir un grief aux sectaires et rendre le raskol plus obstiné, ce n’en était pas moins, pour la Russie, une révolution inévitable. La substitution, chez les Églises nationales, d’une autorité collective à une autorité unique était dans les destinées, sinon dans l’esprit du christianisme oriental. Comme l’ensemble de l’Église orthodoxe, chacune de ses Églises particulières tend à être gouvernée par des assemblées : dans les membres, comme dans le corps entier, l’autorité est en train de passer à une représentation ou à une délégation multiple.

Il y a une autre cause de cette transformation. Dans l’orthodoxie, c’est, en grande partie, à la nation, au pouvoir civil, qu’il appartient de décider du mode d’administration de l’Église. Naturellement, le gouvernement ecclésiastique tendra de plus en plus à se mettre en harmonie avec le gouvernement civil et les habitudes des sociétés modernes. On a dit qu’en créant le Saint-Synode Pierre le Grand avait fait une œuvre analogue à celle de Henri VIII et d’Élisabeth en Angleterre. À part toutes les autres, il y a cette différence, que le catholicisme grec comporte, dans sa constitution, des réformes incompatibles avec le catholicisme romain. Chez lui, l’autorité administrative suprême, patriarcat ou synode, a toujours été d’institution humaine, historique ; aucune ne peut, comme la papauté, élever de

    … ad nostram Evangélico-lulheranam quam proximo accedere. Wilb. Fred. Lutiens : Dissert. de religione Ruthenorum hodierna (1745) ; Tondini : Règlement ecclésiastique, p. xxxvii.