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État moderne. Quelques Russes de tendances slavophiles, Ivan Aksakof notamment[1], ont eu beau en rêver le rétablissement, jamais autocrate ne redressera le trône du patriarche Nikone. Une Russie constitutionnelle ne s’en soucierait pas davantage. Un parlement ne serait pas, sur ce point, moins jaloux ou moins ombrageux que l’autocratie. Si la Russie doit de nouveau avoir un patriarche, ce sera celui de Constantinople, le patriarche œcuménique ; et encore les tsars ne toléreraient un aussi encombrant personnage qu’aussi longtemps qu’il serait indispensable à leur politique.

En détruisant le patriarcat, Pierre Alexiévitch n’a fait, comme en bien d’autres choses, qu’anticiper sur les temps. La création de son Saint-Synode, une des plus contestées de ses réformes, a été l’une des plus durables. Ce que son Église lui pourrait reprocher, c’est moins la substitution du gouvernement de plusieurs au gouvernement d’un seul que la manière dont le principe synodal fut appliqué et la composition du nouveau synode. Au point de vue religieux, en effet, il est difficile de contester que Pierre obéit, sciemment ou non, à des influences protestantes. Élève de protestants étrangers, son orthodoxie avait pris une teinte calviniste[2]. La composition de son Saint-Synode, où de simples prêtres figurent à côté des évêques, révèle une tendance presbytérienne. L’esprit de la Réforme a passé sur le Règlement spirituel, demeuré le code du clergé. Les protestants attirés en Russie ne s’y sont pas trompés, et ils en ont fait honneur au fondateur du Saint-Synode. Une dissertation écrite à l’occasion du mariage de Pierre III et de la future Catherine II apprend à l’Allemagne que la religion russe, « établie et purifiée par le glorieux Pierre », se rapproche étroitement du luthéranisme[3]. On est tenté de se demander

  1. Voyez la Rouss, 1882, no 5.
  2. Voyez, par exemple, une étude de M. D. Tsvétaief sur les protestants en Russie, sous le gouvernement de Sophie, Rouskii Vestnik, nov. 1883.
  3. Religionem Ruthenoruni a gloriosissimo Petro instauratam et purgatam