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Églises de rite grec a été la conséquence plutôt que le principe de la servitude des peuples de l’est de l’Europe. En Russie, comme à Byzance, c’est moins la dépendance de l’Église qui a créé l’autocratie, que l’autocratie qui a fait la dépendance de l’Église.

L’autocratie, telle est la clef de l’histoire de l’Église russe. Veut-on en comprendre les destinées et la constitution, il faut sans cesse se répéter que c’est une Église d’État, et d’un État autocratique. Cela seul explique bien des anomalies apparentes. Placée à côté d’un tsar omnipotent, grandie à l’ombre d’un pouvoir illimité, l’Église a dû se faire à de pareilles conditions d’existence. Aucune religion n’eût échappé à cette nécessité. L’Église la plus jalouse de sa liberté, la seule qui ait jamais revendiqué une indépendance absolue, l’Église romaine, n’eût pu respirer impunément l’air épais de l’atmosphère autocratique. On ne conçoit pas une Église entièrement libre dans un État où rien n’est libre. Comment le spirituel s’y émanciperait-il du temporel ? Comment délimiter ce qui est à Dieu et ce qui est à César, sous un régime où César est en droit de tout exiger ?

L’histoire de l’Église de Rome en fournit la preuve. Les papes ne se sont sentis pleinement indépendants que lorsqu’ils ont été affranchis de la sujétion des Césars grecs ou germaniques. Si l’on étudie les relations des pontifes romains avec les empereurs byzantins, au sixième, au septième, au huitième siècle, on est étonné des marques d’humilité auxquelles sont obligés de se courber les prédécesseurs de Grégoire VII. Comme à tous les sujets de l’imperator, il leur faut descendre, envers les Augustes, aux formules serviles de l’abjecte étiquette orientale, aux formules païennes de l’idolâtrique étiquette romaine. Il leur faut appeler « divins » les ordres qui leur viennent de la personne « sacrée » du basileus, alors même que cet héritier du princeps romain n’est qu’un usurpateur sans autre droit au trône que ses crimes. Les plus grands, les plus saints