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code, le soin de veiller à l’exécution de cette loi est confié aux autorités civiles et militaires en même temps qu’au clergé. Ce sont là, il est vrai, des règlements dont, en Russie même, il est aujourd’hui malaisé d’assurer l’application. La liberté personnelle a déjà fait trop de progrès pour que l’exécution en puisse être stricte. Des milliers de personnes violent impunément la loi ; elle n’en subsiste pas moins pour intimider les uns et servir de prétexte au zèle indiscret des autres.

Grâce à cette législation, les pratiques religieuses et l’Église même sont considérées comme un moyen de police ; le gouvernement et le clergé restent exposés à des reproches ou à des soupçons souvent immérités, toujours exagérés. Dans certaines provinces, on entend dire que parfois le pope demande au pénitent s’il aime le tsar et la Russie, question qui n’admet, naturellement, qu’une réponse. Bien plus, il est ordonné au confesseur, sous peine de mort, de dénoncer les complots contre l’État et contre l’empereur[1]. De pareilles lois sont des restes de ces législations barbares moins destinées à l’application qu’à l’intimidation. Les tyrans les plus soupçonneux, aux plus mauvais jours de la Russie, ont rarement pu arracher aux lèvres du clergé le secret qui leur avait été confié devant l’autel. L’Église russe a eu, comme l’Église latine, ses martyrs de la confession. Pour obtenir quelques aveux du confesseur de son fils Alexis, Pierre le Grand fut obligé de le mettre à la torture. Il n’en est pas moins vrai que souvent, durant la crise du nihilisme surtout, les conspirateurs politiques se sont montrés défiants des confesseurs qu’on leur envoyait, affectant parfois de les regarder comme les auxiliaires du juge d’instruction.

Ce qui pèse sur l’Église, c’est moins le manque de confiance en ses ministres que la consécration légale donnée par l’État à des prescriptions religieuses qui ne regardent

  1. Règlement spirituel de Pierre le Grand, 1re partie du supplément.