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même contraste. Là encore, tout en étant plus voisine de Rome, l’Église orientale est, à certains égards, entre Rome et la Réforme. Fidèle aux répugnances des premiers chrétiens pour le renouvellement du lien conjugal, l’orthodoxie tolère chez les laïques les secondes et les troisièmes noces ; elle se refuse à bénir les quatrièmes. Au veuf ou à la veuve assez charnels pour recourir à un nouveau mariage, elle impose même une légère pénitence. Avec les catholiques, l’Église gréco-russe fait du mariage un sacrement et en proclame l’indissolubilité ; avec les protestants, elle admet, d’après l’Évangile (saint Matthieu, v, 32), que l’infidélité d’un des époux autorise l’autre à s’en séparer. Selon ses traditions, l’adultère est la mort du mariage, et la violation du serment conjugal annule le sacrement. L’Église russe autorise l’époux injurié à contracter une nouvelle union, elle interdit les secondes noces à l’époux qui n’a pas tenu les promesses des premières. En Russie, où il n’y a, pour les orthodoxes, d’autre mariage que le mariage religieux, cette jurisprudence ecclésiastique tient lieu de législation civile. Elle a l’inconvénient de prêter parfois à de frauduleux compromis, à de honteux marchés. Le code mondain a singulièrement altéré et faussé la loi canonique. Quoique la faute en soit aux mœurs et à la procédure plutôt qu’à l’Église, le clergé a le tort d’être trop facilement la dupe des combinaisons intéressées des époux mal assortis.

Il n’est pas rare de voir des hommes se reconnaître coupables du crime commis par leur femme et l’aider à épouser son complice. C’est là, dans le beau monde, le procédé d’un galant homme ; on en a presque fait une règle du savoir-vivre. Il est admis que, dans les mauvais ménages, c’est au mari de prendre sur lui tous les torts ; il doit, au besoin, se laisser prendre en flagrant délit, et même, s’il le faut, jouer devant témoins la comédie de l’adultère. Plus rarement, c’est la femme qui se sacrifie et prend sur elle l’opprobre de la faute qu’elle n’a pas commise. Quelques-