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leurs usages réciproques, n’est point identique. La défiance des Orientaux contre toute innovation religieuse ne leur saurait inspirer autant de tolérance pour les rites des Latins que ceux-ci en montrent pour les leurs. Sous ce rapport, Rome est assurément plus libérale : la raison en est simple. L’Église latine, qui, plus d’une fois, a sciemment corrigé ou simplifié les anciennes formes du culte, n’a point de motifs de répulsion pour les rites conservés par les Grecs ; il lui est loisible de les proclamer saints et vénérables et d’en admettre la pratique, chez les Orientaux qui consentent à reconnaître la suprématie romaine. La liturgie latine ne peut, dans sa forme actuelle, toujours inspirer le même respect aux orthodoxes. Les rites que le cours des siècles a modifiés en Occident leur paraissent souvent tronqués ; pour eux, telle simplification est une mutilation qui défigure le sacrement et en altère l’essence.

Des divergences de ce genre se rencontrent dans les deux principaux sacrements du christianisme, et d’abord dans celui même qui confère la qualité de chrétien. Comme la primitive Église, Constantinople et Moscou baptisent encore par immersion, trois fois répétée[1]. Ils mettent en doute la valeur du sacrement administré par ablution, selon l’usage des Latins, sauf à Milan, où s’est conservé le rite ambrosien. Les Russes ont longtemps refusé aux Occidentaux le titre de baptisés ; ils ne voulaient les appeler qu’aspergés, et montraient pour eux d’autant plus de répulsion que le droit des Latins au nom de chrétien leur semblait douteux. Jadis les Russes, comme les Grecs, rebaptisaient les Occidentaux qui voulaient entrer dans l’orthodoxie. L’Église de Constantinople le fait encore ; celle de Russie y a renoncé. Les fiancées impériales, auxquelles leur conversion au culte grec ouvre l’accès des

  1. Les personnes soumises au baptême, les adultes du moins, lorsqu’on baptise, par exemple, des Juifs ou des païens, portent une sorte de tunique ou de chemise blanche ; pour plus de décence, le nouveau chrétien est abrité derrière des paravents et assisté d’un parrain ou d’une marraine de son sexe.