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craignent pas à l’occasion de vendre ou d’acheter au sortir de l’officce des dimanches. En revanche, le peuple répugne à travailler pour un maître les jours fériés. C’est une des choses qui le froissent dans la pratique de certaines industries et qui parfois indisposent les ouvriers contre les chefs d’usine d’origine étrangère. Pour faire droit à des plaintes de ce genre, le gouvernement d’Alexandre III a enjoint d’observer plus strictement les chômages prescrits par l’Église. Peut-être eût-il mieux valu, pour l’industrie nationale, que pareil règlement coïncidât avec une réduction du nombre des jours fériés.

À cette question s’en lie une autre non moins délicate, la réforme du calendrier. On sait que l’Église russe et l’État avec elle ont conservé l’année julienne ; bien mieux, le gouvernement impérial a ramené ce calendrier suranné dans des contrées qui l’avaient dès longtemps rejeté. C’est ainsi que la patrie de Copernic a dû revenir au « vieux style ». Trois siècles n’ont pas suffi à faire renoncer la Russie à un mode de supputation abandonné de tous les peuples civilisés, catholiques ou protestants, et reconnu pour défectueux par les pays qui persistent à le garder. Elle laisse, la Russie orthodoxe, les astres se mouvoir et la terre tourner, sans daigner tenir compte du cours du soleil. En dépit de ses observatoires, elle vit dans un anachronisme. On dirait qu’il ne lui déplaît pas d’être en retard sur le monde occidental, tant elle met peu de hâte à le rattraper. Ce calendrier de l’ancienne Rome qui, aux yeux de l’étranger, est pour la Russie comme une enseigne de son attardement, il semble pourtant qu’elle ait tout intérêt à le laisser au vieil Orient. En datant de douze jours plus tard que le soleil, elle paraît arriérée de plusieurs siècles. Si elle persiste à ne pas se conformer à l’ordre naturel des saisons, c’est toujours pour le même motif : c’est que, dans l’Église orthodoxe, il n’y a pas d’autorité centrale pour décréter une pareille mesure, ou pour la faire accepter de tous.