La musique, où elle a laissé s’introduire les tonalités modernes, est peut-être la seule infraction de l’Église russe à l’esprit d’ascétisme de l’orthodoxie orientale. Pour tout le reste, le culte, dans son austère immobilité, a gardé quelque chose d’archaïque ; il a conservé les usages et les observances qui semblent le moins s’adapter aux habitudes modernes. Ainsi pour le jeûne et l’abstinence. En aucune Église, les jeûnes ne sont aussi fréquents et aussi rigoureux. Ni le rude climat du Nord ni l’amollissement du siècle n’ont mitigé ces macérations imaginées en un autre temps pour un autre ciel.
Au lieu d’un carême, l’Église russe en compte quatre l’un, correspondant à l’Avent des Latins, précède Noël ; un autre, le grand carême, précède Pâques ; un troisième vient avant la Saint-Pierre ; un quatrième avant l’Assomption. Le nombre des jours maigres monte au moins à un tiers des jours de l’année. Outre les carêmes et les vigiles des fêtes, il y a deux jours d’abstinence par semaine, le vendredi et le mercredi, le jour de la mort du Sauveur et le jour de la trahison de Judas. Les Grecs, toujours heureux de se distinguer des Latins, trouvent malséant que, pour se mortifier, les Latins aient préféré le samedi au mercredi.