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n’ont été envahis par les pompes mondaines et l’appareil théâtral dont, à différentes reprises, l’Église catholique a eu tant de peine à se défendre.

L’austérité du culte apparaît dans la scène même du drame sacré. Alors qu’il est le plus somptueux, le décor en est toujours simple. Rien ne trouble l’impression d’unité de l’église et du service divin. Au fond de l’abside, à l’orient, un seul autel, comme il n’y a qu’un Dieu et un Sauveur. Entre l’autel et la nef se dresse la barrière de l’iconostase, dont les portes royales, que le prêtre seul a le droit de franchir, se ferment durant la consécration, faisant aux saints mystères comme un sanctuaire dans le sanctuaire ; seul d’entre les laïcs, le tsar est admis à y pénétrer pour recevoir la communion, le jour de son couronnement. Dans les vieilles cathédrales, dans les sobor des grandes villes ou des grands monastères, cette muraille, qui symbolise le voile du Temple, reluit d’or et de marbres précieux. Le jaspe de Sibérie y encadre la malachite et le lapis-lazuli. C’est l’iconostase qui porte les images les plus vénérées, les icônes, — d’où lui vient son nom[1]. L’entrée et la sortie du prêtre, le transport des éléments du sacrifice de la table de l’offertoire à l’autel, la marche du diacre portant sur son front l’Évangile ou le calice, la clôture et la réouverture des portes saintes forment autant de scènes du drame liturgique et lui donnent plus de mouvement et de vie que dans le rite latin. Tout ce lent cérémonial est en harmonie avec le luxe sévère des vieilles églises byzantines, avec l’or mat des peintures ou des mosaïques. Le caractère d’antiquité qui rehausse la solennité des rites se retrouve jusque dans le mobilier liturgique. On y reconnaît les flabella, les éventails de métal que le diacre agite autour du tabernacle, et la cuillère d’or pour le vin de la communion, et la lance et

  1. Chez les Russes, la hauteur de l’iconostase, notablement plus élevé que chez les Grecs, dépare parfois l’église en la terminant brusquement par une muraille droite qui cache l’abside.