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études théologiques, les efforts pour relever le niveau intellectuel du clergé n’y sont pas étrangers. L’esprit de la Réforme s’insinue silencieusement dans les séminaires et les académies ecclésiastiques avec les ouvrages des théologiens allemands. Il en est de même des laïcs, dans les classes éclairées du moins. Beaucoup, et parfois les plus pieux, ne sont, à leur insu, que des protestants ritualistes. En religion, comme en toutes choses, hommes et femmes du monde font, du reste, souvent preuve d’un singulier éclectisme. On en voit, à l’étranger, fréquenter presque indifféremment les diverses églises, appréciant en amateurs impartiaux les prédicateurs des confessions rivales.

L’esprit traditionnel et l’esprit de discipline, qui ont fait sa force, refrènent dans l’Église les penchants novateurs. Le besoin de rester en communion avec l’Orient, la crainte de scandaliser le peuple et de donner de nouvelles forces aux sectes dissidentes, opposent une barrière à l’esprit d’innovation. La cohésion de l’Église sous la main de l’État la préserve du déchirement des factions et des querelles d’écoles. Loin d’en troubler le fond, les courants spirituels qui la traversent en font à peine onduler la surface.

Chez elle, rien d’analogue à l’antagonisme des deux ou trois partis de l’Église anglicane. Les institutions et les mœurs permettraient peut-être encore moins des partis dans l’Église que dans l’État. Si la Russie a son high church et son low church, c’est dans la sourde rivalité de ses deux clergés, le haut clergé monastique et célibataire et le bas clergé pourvu de famille. Sous cette compétition de classes se retrouvent, il est vrai, les deux tendances contraires, le haut clergé, par sa situation et son genre de vie, étant naturellement plus conservateur ou plus aristocratique, le clergé inférieur plus novateur ou plus égalitaire.

Un des épisodes les plus curieux de la lutte, dans l’Église russe, des « protestantisants et des catholicisants », comme disait J. de Maistre, c’est, sans contredit, l’histoire des Sociétés Bibliques. En principe, la position de l’Église