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dire que l’Église d’Orient soit un milieu et comme un compromis entre le catholicisme et le protestantisme ; elle a ses tendances propres, originales, qui la distinguent de l’un et de l’autre, et l’opposent à tous deux à la fois. Il n’en est pas moins vrai que, par certains côtés, elle est à moitié route entre Rome et la Réforme. Ses apologistes l’ont plus d’une fois reconnu, et plusieurs lui en ont fait un mérite[1]. « L’Église orthodoxe, disent-ils, est demeurée au centre du christianisme, également éloignée de ses pôles contraires, parce qu’elle est l’Église primitive, initiale, dont les Occidentaux n’ont dévié que pour aboutir, par deux chemins opposés, à l’autocratie catholique et à l’anarchie protestante. » La torpeur, la léthargie que ses adversaires lui reprochent, ses avocats l’en glorifient sous le nom d’immutabilité ; ils la félicitent d’avoir soustrait l’Église, comme le dogme, à la loi du développement ou du progrès qui régit les choses humaines.

Catholiques et protestants se font illusion lorsqu’ils se représentent l’attitude de l’orthodoxie gréco-russe comme humble et presque honteuse vis-à-vis de ses antagonistes occidentaux. Appuyés sur l’immobilité de leur Église comme sur un roc, ses théologiens contemplent avec une hauteur mêlée de pitié les discussions religieuses de l’Occident. L’accueil fait par les membres de l’Église russe aux offres d’union des vieux-catholiques ou des anglicans est, à cet égard, d’un intérêt singulier. Vis-à-vis des uns ou des autres, les orthodoxes ont toujours été loin de montrer aucun empressement hâtif ; ils ont toujours repoussé tout compromis contraire aux traditions ou aux usages de leur Église.

Entre les protestants et les orthodoxes, entre l’Église anglicane surtout et l’Église russe, il y a eu plusieurs tentatives de rapprochement, et les avances sont d’ordinaire

  1. Par exemple, Samarine, Iésouity i ikh otnochénié k Rossii, p. 363, et, chez les Grecs, Nicolas Domalas, dans l’ouvrage intitulé Peri arxôn, Leipzig, 1865.