Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/503

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nais. Vis-à-vis des langues ou dialectes slaves, la tactique est tout autre ; on cherche à les ravaler à l’état de patois au profit de la langue officielle[1].

On ne laissa pas imprimer de feuilles polonaises en dehors des provinces de la Vistule. À Pétersbourg même, où vivent plus de soixante mille Polonais et où la Russie n’a rien à craindre du « polonisme », le gouvernement a, jusqu’en 1882, refusé d’autoriser la fondation d’une gazette en cette langue. Cette autorisation, personne n’oserait la demander en Lithuanie. Dans le royaume de Pologne, le polonais, aujourd’hui proscrit des tribunaux et des écoles, a, sous les ciseaux de la censure russe, retrouvé une sève nouvelle. À aucune époque Varsovie n’a autant imprimé de livres ni de journaux en langue nationale ; mais journaux et livres sont pour la plupart exclusivement scientifiques ou littéraires, et la censure fait bonne garde contre les productions suspectes de la Galicie ou de la Posnanie[2].

Le malo-russe ou petit-russien, bien que le seul dialecte compris de quinze millions de sujets du tsar, est moins heureux que le polonais. Préoccupée du réveil de cet idiome populaire et des aspirations fédéralistes de quelques Ukrainophiles, l’administration pétersbourgeoise s’est efforcée d’arrêter le développement littéraire de cet harmonieux provençal russe. Une ordonnance de 1876 a soumis à l’examen de la direction supérieure de la presse toutes les publications et traductions petites-russiennes. En dehors des almanachs ou des livres d’église, bien peu d’ouvrages dans le parler du Dnieper ont depuis lors trouvé grâce auprès des censeurs. Les écrivains qui voulaient écrire dans le dialecte de l’Ukraine étaient obligés de se faire imprimer

  1. D’après un compte rendu public, en janvier 1884, par le Messager officiel, il s’imprimait dans l’empire, en dehors de la Finlande, 45 journaux ou recueils périodiques en allemand ; une douzaine en lette, une dizaine en esthonien, 2 en finnois, 4 en hébreu ou en jargon juif ; 10 en arménien, 3 en géorgien et 4 en tatare.
  2. En 1886 on comptait dans « le royaume » environ 80 journaux ou périodiques polonais, la plupart imprimés à Varsovie.