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jusque-là inconnue. Si les revues russes ont conservé une heureuse vogue, le journal, la gazette a, sous Alexandre II, pris une importance considérable. Le siège de Sébastopol et l’insurrection de Pologne, les guerres européennes de 1859, 1866, 1870, les nombreuses réformes opérées dans l’empire, ont de tout côté fait éclore ou fait pénétrer le journal, qui seul pouvait tenir le public au courant des rapides événements de l’Europe et de la Russie. La dernière guerre russo-turque, avec ses longs préliminaires diplomatiques et ses palpitantes alternatives de revers et de succès, le « nihilisme », avec ses audacieux attentats, ont donné un nouvel essor à la presse quotidienne, en excitant le sentiment national et la curiosité publique jusque dans des classes auparavant indifférentes à des événements qui semblaient ne les pas toucher.

En 1830 l’empire russe ne possédait encore que soixantetreize feuilles périodiques ; en 1850 il en avait déjà deux fois plus ; aujourd’hui la Russie proprement dite en compte à peu près six cent cinquante, dont cinq cents environ de langue russe, et le reste dans les divers idiomes des provinces frontières, allemand, letton, esthonien, géorgien, arménien, hébreu même[1]. Ce chiffre de six ou sept cents paraît peu de chose en comparaison de la multitude d’écrits périodiques chez d’autres nations modernes ; il est cinq fois moindre environ que celui des feuilles françaises, et reste de moitié inférieur à celui des journaux de toute sorte publiés à Paris[2]. Qu’est-ce donc à côté des États-Unis

  1. D’après un compte rendu, publié en 1884, par le Messager officiel, on comptait dans tout l’empire, y compris la Finlande et la Pologne, près de 800 publications périodiques. La Finlande seule possédait, en 1885, 78 journaux, dont 44 finnois, 34 suédois. À la même époque, sur les 500 feuilles de langue russe, un tiers avaient un caractère officiel, appartenant à l’administration, aux autorités politiques ou religieuses.
  2. D’après M. Mermet (Annuaire de la Presse, 1882), on comptait en France plus de 1300 (1343} feuilles périodiques imprimées à Paris et près de 2000 dans les départements, et ces chiffres, le dernier surtout, doivent être aujourd’hui bien dépassés.