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LIVRE V
LA PRESSE ET LA CENSURE




CHAPITRE I


Importance de la presse en Russie. — Longue prépondérance des feuilles littéraires sur les feuilles politiques, des revues sur les journaux. — Développement de ces derniers sous Alexandre II. — Caractères du journalisme russe. — La loi sur la presse. Abolition de la censure préalable pour les journaux des deux capitales et pour les livres. — Pénalités administratives empruntées au second empire français. — Inconvénients de ce régime pour le gouvernement. — Nouvelles rigueurs contre la presse.


Dans les États modernes il existe une puissance redoutable, pareille aux Titans de la Fable, un géant aux cent bras, pourvu de mille yeux et de mille bouches, qui spontanément, gratuitement, se charge de veiller à l’exécution des lois, de découvrir et de dénoncer au pouvoir, comme au public, les abus de toute sorte, et l’apparence même d’un abus. Cet Argus infatigable, c’est la presse, qui, avec tous ses défauts et ses vices même, est le contrôle de tous et de chacun sur les actes du pouvoir et des agents du pouvoir. Or, si les réformes de l’empereur Alexandre II n’ont pas donné aux Russes tout ce qu’ils paraissaient en droit d’en attendre, une bonne part de leurs déceptions est imputable à la situation faite chez eux à cet inspecteur volontaire, à ce contrôleur sans mandat des pays modernes. L’état légal de la presse explique beaucoup des défauts de l’administration, explique bien des contradictions