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en 1878. L’itinéraire est par le Bosphore, l’isthme de Suez et Singapore, en sorte que les déportés n’arrivent à cette sorte d’Islande asiatique qu’à travers les brûlantes mers du sud[1].

La déportation, telle qu’elle a été pratiquée en grand depuis un demi-siècle, n’a réussi ni à la Sibérie qui en devait bénéficier, ni à la Russie qu’elle devait purifier, ni aux condamnés qu’elle prétendait moraliser. Ce châtiment que, chez nous, on voudrait appliquer à tous les récidivistes, cette peine, qui semble mieux que toute autre répondre au double but de correction morale et de défense sociale que se propose toute législation, n’a donné en Russie que de tristes et décourageants résultats. À quelque point de vue qu’on se place, intérêt de la société, intérêt du condamné, intérêt de la colonisation, le régime suivi depuis si longtemps s’est montré inefficace. La chose est si certaine qu’en dépit de la commodité de ce système de débarras, on y aurait peut-être déjà renoncé sans les besoins de la police, sans la difficulté de savoir que faire des prisonniers politiques.

Si la déportation doit continuer, c’est sur une moindre échelle et dans d’autres conditions. Une revision du code pénal devait être la contre-partie de l’abrogation des châtiments corporels qui tenaient trop de place dans la législation pour en pouvoir disparaître sans affaiblir et énerver la loi. Le gouvernement l’a compris. L’étude du nouveau Code pénal a été confiée, dès 1876, à une commission dont les travaux devaient servir en même temps à une réforme pénitentiaire. Le principal problème était une plus juste gradation des châtiments. La législation péchait à la fois par deux excès opposés : par trop d’indulgence pour de grands crimes, par trop de sévérité pour de petits délits.

  1. Les forçats qui sortent des bagnes de Sakhaline restent en exil perpétuel dans l’île avec leur famille, s’ils en ont qui les rejoigne. Comme la plupart manquent de moyens d’existence, le gouvernement est d’ordinaire obligé de les entretenir aux frais de l’État.