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de 51000 individus étaient inscrits comme colons forcés sur les registres du gouvernement de Tobolsk, et l’adminislration locale n’avait pu constater la présence que de 34 000. Dans la province de Tomsk, l’écart était, à la même époque, de 4651 personnes. Ces chiffres attestent, avec la négligence de l’administration, le peu d’efficacité de ce mode d’internement. Dans beaucoup de bailliages (volost) du gouvernement de Tobolsk, le tiers, parfois la moitié des condamnés figurant sur les registres des communes rurales avaient disparu. Dans les gouvernements de Tomsk et d’Iéniseisk, sur 20 000 déportés inscrits dans les communes, en 1883, il n’y en avait que 2600 habitant réellement au lieu qui leur avait été fixé : plus de 7000 étaient en fuite. Parmi ceux qui restaient, la grande majorité n’avaient ni profession régulière ni occupation constante. Les rapports des gouverneurs généraux le reconnaissaient : la paresse, l’ivrognerie, le vagabondage régnaient en maîtres dans un grand nombre de ces colonies pénales, qu’on se représente de loin comme soumises à une sévère et minutieuse discipline[1].

En de telles conditions, rien d’étonnant si, dans les provinces servant de lieux de déportation, la criminalité atteint d’effrayantes proportions. Dans le gouvernement de Tobolsk, il se commettait en moyenne chaque année un crime par soixante-douze déportés ; dans le gouvernement de Tomsk, un par soixante-sept[2]. Pour ces deux provinces, les statistiques judiciaires constatent annuellement près d’un crime par mille habitants. Dans la Sibérie prise en

  1. Sur les 34 293 individus formant, en 1876, la population déportée effective du gouvernement de Tobolsk, 2689 déclaraient n’exercer aucune profession, 1247 restaient à la charge des communes urbaines ou rurales, 13 226 étaient inscrits sur les registres du dénombrement comme vagabonds, 12 502 étaient affranchis de toute redevance, et les arriérés d’impôts, redus par les autres, montaient à 642 000 roubles.
  2. D’après un travail de M. Jandrintsef publié, en 1884, par la section statistique de la Société impériale de Géographie, la proportion s’élèverait, pour l’ensemble de la Sibérie, à un crime par 28 déportés.