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dans le gouvernement de Viatka, un paysan du district de Joransk était fouetté jusqu’à en mourir[1] ; et, dans la même province, on a, en 1882, signalé des abus du même genre. Autrefois de pareilles causes n’eussent jamais été soumises aux tribunaux ordinaires ni de pareils faits livrés à la publicité de la presse.

Dans les régions écartées ou au fond des campagnes, quelques violences isolées n’auraient pas de quoi beaucoup nous surprendre ; mais on a signalé des illégalités de cette sorte jusque dans les grandes villes et dans la capitale, en des circonstances qui ont donné à cette infraction aux lois un grand retentissement. Je ne parle pas ici des tristes affaires des Grecs-Unis et des paysans de Litbuanie ou de Pologne, du gouvernement de Lublin notamment, fustigés pour avoir déserté l’Église orthodoxe. Les anciennes provinces polonaises, toujours soumises à un régime d’exception, demeurent particulièrement exposées aux abus de toute sorte. Le bâton y peut usurper une autorité qu’il n’oserait s’arroger ailleurs. Dans les villes russes elles-mêmes, la police, en cas de désordre, n’hésite guère à recourir au fouet. On l’a vue faire entrer dans Odessa des voitures chargées de verges, et à l’aide de cette provision faire frapper publiquement par ses agents tout ce qui leur tombait sous la main, hommes, femmes, enfants. C’était, si je ne me trompe, en 1871, lors d’une émeute contre les Juifs. Des circonstances semblables ont, dix ans plus tard, donné lieu à des scènes analogues dans la même ville et ailleurs. Devant les émotions populaires, c’est encore un des procédés habituels de la police ; quand elle ne sait à qui s’en prendre, elle arrête les premiers venus et les fait fouetter. Ainsi a-t-elle opéré, en 1881, lorsqu’elle s’est tardivement décidée à protéger les Israélites d’Odessa, de Kief, de Varsovie, contre les brigandages de la populace. Parfois, au lieu des verges ou du bdlou, l’autorité dans ces

  1. Viatskaïa Nezaboudka, L. Léger : Nouvelles Études slaves, 1880.