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qui n’ont parfois jamais eu lieu, mais qui augmentent le sinistre renom dont elle jouit et enveniment les haines dont elle est l’objet. Comme les fautes des hommes sur lesquels s’appesantit sa main ne sont connues que d’elle, ses victimes usurpent aisément les sympathies publiques, et ses arrêts, n’étant soumis à aucune discussion, restent livrés à toutes les contestations.

Le gouvernement d’Alexandre III semble avoir compris qu’il est de l’intérêt du pouvoir de faire cesser toutes les rigueurs inutiles. En maintenant l’exil administratif, il a voulu contrôler l’exercice de ce droit redoutable. Pour cela on a créé, en 1881, une commission chargée de prononcer sur le sort des individus dont l’administration ou la police réclame l’éloignement[1]. Cette commission, instituée pour régulariser l’arbitraire, est composée de quatre hauts fonctionnaires. La police d’État, représentée par un ou deux de ses chefs, y garde la haute main. La procédure de ce singulier tribunal n’offre guère plus de garanties que sa composition. S’il a le droit de faire comparaître devant lui les personnes en cause, il n’y est point tenu, et c’est une faculté dont il use peu. Quelque disposé qu’il fût à ratifier toutes les sentences administratives, ce comité, en examinant les dossiers des déportés et des internés, a trouvé qu’un certain nombre pouvaient sans inconvénient être rendus à la liberté. Une commission analogue, instituée à la fin du règne d’Alexandre II par le général Lorîs-Mélikof, avait déjà fait une découverte semblable. Plusieurs centaines de suspects ont ainsi été successivement relevés de la surveillance de la police[2].

De telles mesures de clémence ont beau témoigner de l’esprit de justice du gouvernement, de son désir de restreindre le nombre des arrestations administratives, elles n’en sont pas moins un aveu officiel des erreurs et des ini-

  1. Voyez plus haut, livre II, chap. v.
  2. Pour le nombre des déportés et internés par la police, voyez plus loin le chapitre viii, consacré à la déportation.