Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vince, à la plupart de ces magistrats. Pour les juges d’instruction, plus encore que pour les juges proprement dits, l’État a longtemps renoncé à exiger aucun diplôme spécial, voire même aucun diplôme universitaire.

Une magistrature ainsi recrutée avait peu de chance de voir ses prérogatives légales respectées des ministres et des agents du pouvoir. Les juges d’instruction sont naturellement tombés sous la double dépendance du parquet et de l’administration, des procureurs et des gouverneurs de province. Ce qui ne semblait d’abord qu’une déviation temporaire de la loi a été peu à peu érigé en règle. Ce qu’il faisait au commencement par nécessité, le gouvernement a continué à le faire par goût et par système. Au lieu de profiter de l’amélioration progressive de son personnel pour restituer aux soudebnye stédovateli l’indépendance et les droits que leur assurait le législateur, le ministère, qui s’accommodait mal de leur inamovibilité, a préféré les maintenir dans une situation précaire. S’appropriant un procédé employé jadis par Napoléon Ier, il a pris l’habitude de ne nommer de juges d’instruction à titre définitif qu’après un noviciat de plusieurs années et, pour rester plus longtemps maître de leur sort, il n’a pas même fixé la durée de ce noviciat. Vers la fin du règne d’Alexandre II, les juges d’instruction confirmés dans leurs fonctions étaient encore en infime minorité[1]. D’une magistrature inamovible on a ainsi fait un emploi révocable. C’était sur l’instruction judiciaire qu’avait porté la première réforme de la justice criminelle, c’est elle qui a été l’objet de la première dérogation à cette réforme.

L’un des principes essentiels de la nouvelle législation

  1. Lors de la retraite du comte Pahlen, en 1878, il n’y avait, assure-t-on, dans tout l’empire, qu’une vingtaine de juges d’instruction à titre définitif. En 1880, dans le gouvernement de Kief, sur 47 soudebnye stédovaleli, il n’y en avait qu’un seul de titulaire, et cependant presque tous ces magistrats, 45 sur 47, avaient fait leurs études de droit, et la plupart avaient plusieurs années d’exercice.