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tions de capacité et un cens d’éligibilité. Ces restrictions n’ont pas paru suffisantes, la loi attribue au gouverneur de chaque province le droit de présenter ses observations sur les candidats proposés à l’élection ; elle soumet la liste des juges élus à la ratification du premier département du sénat. Ainsi entendue, ainsi réglementée, l’élection des magistrats, si elle perd quelques-uns de ses avantages théoriques, perd beaucoup de ses inconvénients pratiques.

En dépit de toutes ces précautions, le gouvernement n’a, selon son habitude, introduit que petit à petit la nouvelle magistrature dans l’empire, et il s’est bien gardé d’en faire bénéficier certaines provinces. Pendant plusieurs années la Russie a pu faire concurremment l’expérience des juges de paix choisis par les zemstvos et des juges de paix nommés par l’État. Dans un pays si longtemps livré au régime de la faveur et à l’arbitraire de la bureaucratie, la comparaison ne pouvait guère être défavorable aux magistrats issus de l’élection. Aussi le gouvernement a-t-il étendu la nouvelle institution à la plupart des provinces, à mesure qu’il étendait les assemblées territoriales, dont émanent les juges de paix.

Il reste cependant, en Europe même, une partie considérable de l’empire que le gouvernement n’ose pas mettre à l’épreuve d’une magistrature élective : ce sont les provinces occidentales, les anciennes provinces lithuaniennes ou polonaises. Là ce sont des motifs politiques et des considérations nationales qui ont arrêté le réformateur. En abandonnant la justice de paix aux propriétaires, le gouvernement impérial craindrait d’accroître dans ces régions l’influence de l’élément polonais, qui détient toujours une grande partie de la propriété. On ne pourrait du reste y laisser les juges de paix à la désignation des assemblées territoriales, puisque tous ces gouvernements de l’ouest attendent encore de pareilles assemblées. L’institution des juges de paix y a récemment été introduite, mais avec une modification qui en dénature le caractère. Au lieu