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de juges et de procureurs instruits. Il s’en faut cependant que les cours martiales présentent encore toutes les garanties aujourd’hui réclamées des tribunaux dans les pays civilisés. La défense et l’accusation sont loin d’y avoir des droits égaux ; de plus, l’office d’accusaleur n’y est pas toujours nettement séparé des fonctions de juge. Depuis qu’on a imaginé de leur déférer les crimes contre les fonctionnaires, la procédure des conseils de guerre est souvent redevenue secrète. Le droit de défense a été réduit à quelques courtes et insignifiantes observations ; s’il n’a pas été entièrement supprimé, comme il en avait été question en 1881, il est trop fréquemment devenu illusoire. En même temps, des oukazes impériaux ont, dans les cas les plus graves, enlevé à l’accusé le droit d’appeler du verdict qui le condamne. L’extension donnée à la justice militaire par Alexandre II et Alexandre III rend de pareils défauts d’autant plus regrettables qu’ils diminuent l’autorité de ses sentences. On ne saurait, du reste, s’étonner de cet abandon des formalités protectrices de la justice, à une heure où les tribunaux civils eux-mêmes ont été dépouillés d’une part de leurs garanties légales.