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La justice ecclésiastique perdrait tout caractère de privilège si elle était réduite à ne juger que les infractions des membres du clergé aux devoirs de leur profession et aux ordres de leurs supérieurs ; si, au lieu d’offrir aux prêtres une sorte d’abri contre les revendications des laïques, ces tribunaux, restreints à un rôle purement disciplinaire, n’avaient d’autres fonctions que d’assurer dans le clergé l’observation des lois ecclésiastiques, tout en donnant au prêtre orthodoxe ce qui, dans la plupart des États modernes, fait défaut au prêtre catholique, un juge entre ses supérieurs et lui, un recours contre l’arbitraire épiscopal.

Plus heureuse que l’Église latine, l’Église russe est demeurée en possession de prononcer légalement sur la validité ou la nullité du mariage. Certaines causes de ce genre, telles que les cas de bigamie ou de mariage par contrainte, sont aujourd’hui soumises à une double procédure, devant être portées à la fois devant les tribunaux laïques et devant les tribunaux ecclésiastiques. D’autres, telles que les procès en annulation de mariage, pour infidélité de l’un des deux conjoints, restent jusqu’ici exclusivement réservées aux juges d’Église[1]. Les intérêts les plus chers et les droits les plus sacrés de la famille sont ainsi abandonnés à une justice qui, en dépit du mariage des prêtres, présente aussi peu de compétence morale que

    des lois civiles, le prêtre pourrait s’autoriser de semblables formules pour n’être le plus souvent traduit que devant ses propres tribunaux, c’est-à-dire devant des supérieurs dont l’esprit de corps ferait pour lui autant des protecteurs que des juges. De même que le militaire ne relève que des tribunaux militaires, le prêtre serait jugé par les tribunaux ecclésiastiques, qui, dans ses différends avec des hommes d’une autre classe, pourraient parfois lui témoigner une indulgence partiale. Il y aurait là une fâcheuse atteinte au principe de l’égalité devant la loi.

  1. L’Église orientale, on le sait, admet, d’après l’Évangile (saint Mathieu, v, 32), que l’adultère de l’un des deux époux autorise l’autre à s’en séparer. Dans ce cas, les canons de l’Église permettent à l’époux injurié de contracter une nouvelle union, ils interdisent les secondes noces à l’homme ou à la femme qui n’a pas tenu les promesses des premières. Il est vrai que, en fait, on s’écarte parfois de ce sévère principe.