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nombre de personnes, pour mieux assurer les libertés des habitants. De ces deux systèmes opposés, le premier, le plus simple, est en vigueur en France, où toutes nos communes, urbaines et rurales, n’ont à leur tête qu’un seul magistrat municipal ; le second, plus compliqué, règne en Angleterre et aux États-Unis, dans les pays qui ont su le mieux assurer l’autonomie municipale. Les Russes étaient ici, comme en presque toute chose, libres de choisir entre les différents modèles ; ils semblent avoir voulu combiner les deux systèmes contraires, sans que l’on puisse dire qu’ils y aient réussi.

Au lieu de plusieurs comités ou de plusieurs selectmen à l’anglaise et à l’américaine, les villes russes ont à leur tête un magistrat unique, un maire à la française, qui réunit entre ses mains tous les pouvoirs ; mais à côté du maire il y a la délégation municipale, l’ouprava, sorte d’administration collective, dont on retrouve le modèle ou le pendant dans les municipalités d’Italie et de Belgique[1]. En Russie, ces deux pouvoirs sont loin de se faire équilibre : le plus souvent, l’ouprava est un frein qui ne semble pas beaucoup gêner l’autorité des maires. Là, comme chez nous, les vues sont du reste fort partagées à ce sujet. Un Russe, qui avait longtemps été maire d’une des grandes villes de l’empire, me disait que l’ouprava avait l’inconvénient de diminuer la responsabilité effective de l’administration municipale, qu’au lieu de mettre fin aux abus elle les aggravait et les multipliait, chaque membre de ce comité ayant ses intrigues et ses créatures personnelles. Dans un pays habitué de longue main à toutes les prévarications, et privé du contrôle de la publicité, des insti-

  1. On sait que, chez nous, certaines personnes voudraient introduire dans les municipalités un comité administratif analogue. Voyez notamment les Institutions administratives en France et à l’étranger de M. J. Ferrand, Paris, 1879. Un projet dans ce sens avait été présenté à la Chambre des députés, en 1880, par M. Pascal Duprat et M. A. Folliet. Ce système, qui présente de sérieux avantages, a contre lui nos habitudes, nos préventions, les souvenirs de la Révolution et la petitesse de nos communes.