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diffèrent par les mœurs et les idées aussi bien que par les croyances. Comme, de plus, Juifs et Tatars s’adonnent surtout au commerce, la loi a cru devoir prendre contre eux d’autant plus de précautions qu’elle remet, en somme, la direction des affaires aux marchands. Là cependant où, comme en mainte ville des provinces occidentales, les Israélites constituent la grande majorité des habitants, il est peu équitable de les maintenir en minorité dans le conseil municipal. On devrait au moins leur accorder la moitié des sièges ; mais, sous Alexandre III comme sous Alexandre II, le gouvernement impérial semble moins préoccupé d’assurer les droits de ses sujets israélites que « de protéger ses sujets orthodoxes contre la domination et l’exploitation des Juifs[1] ».

Les doumas russes tiennent d’ordinaire peu de séances, et la plupart de leurs membres montrent peu d’assiduité à siéger. Il est difficile de décider si le grand nombre des conseillers a pour objet de suppléer à leur peu de zèle ou si, au contraire, le zèle des membres de la douma n’est pas refroidi par leur nombre même. Ce qui est certain, c’est que les élus mettent souvent aussi peu d’empressement à se rendre au conseil que les électeurs à participer aux assemblées électorales. À Saint-Pétersbourg même, les plus graves décisions sont prises en présence d’un tiers ou d’un quart seulement des conseillers, et il n’est pas rare de voir ajourner le vote sur les affaires les plus urgentes parce que l’assemblée n’est pas en nombre. Pourtant, dans les deux capitales, la loi n’exige, pour les affaires courantes, que la présence d’un cinquième des membres de la douma. À Saint-Pétersbourg, sur 252 conseillers, il en siège à peine 80 à chaque séance, et il est arrivé de n’en pouvoir réunir 60[2]. Une pareille négligence, dans la

  1. C’est là, du reste, une question fort complexe, qui doit être traitée dans notre IIIe volume, avec la situation religieuse de l’empire.
  2. De même à Moscou : la douma, ayant un maire à élire, s’est, dans l’hiver 1883-1884, réunie plusieurs fois avant d’être en nombre.