Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE IV


Les villes et l’administration municipale. — Influence et antagonisme des deux capitales. — Du transfert du siège du gouvernement de Saint-Pétersbourg à Moscou. — Les municipalités urbaines ont une tout autre organisation que les communes rurales. — Raisons de cette différence. — Introduction du cens dans les élections municipales. — Catégories censitaires et représentation proportionnelle des intérêts. — Résultats de ce mode d’élection. — Indifférence et abstentions. — Prédominance des marchands dans les municipalités. — Réforme et statut de 1892.


La loi qui règle le self-government des villes est postérieure à celle qui établit le self-government des communes rurales et des provinces. L’organisation des États provinciaux a précédé la constitution des municipalités urbaines. La raison en est simple, elle est dans le petit nombre et dans la pauvreté des villes russes. Des causes physiques, économiques, historiques ont retardé en Russie le mouvement qui, chez tous les peuples modernes, tend à agglomérer la population dans l’enceinte des villes[1]. La rareté et la petitesse relatives des villes russes n’en doivent pas faire méconnaître le rôle ; à certains égards, leur importance est plus grande qu’en Occident. Dans ce vaste et compact empire, si récemment colonisé par la civilisation européenne, les villes semblent les foyers naturels de la culture moderne. Plus que partout ailleurs, elles représentent le principe du mouvement, de l’initiative, du progrès, et elles ont d’autant plus à faire que plus lourd est le poids des campagnes qu’elles doivent traîner derrière

  1. Voyez tome I, livre V, chap. ii. Aujourd’hui les grandes villes russes, Moscou et Odessa notamment, sont parmi celles dont la population s’accroît avec le plus de rapidité.