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dans les provinces les mieux préparées. Aujourd’hui que les zemstvos semblent s’être acclimatés sur le sol russe, le moment paraît venu d’en accorder le bénéfice à toutes les parties du territoire, à toute la Russie d’Europe au moins, si ce n’est encore au Caucase et à la Sibérie occidentale, dont de semblables institutions stimuleraient singulièrement les progrès. Pendant une dizaine d’années, il n’y a eu que 29 ou 30 gouvernements de la Grande ou de la Petite-Russie à jouir des bienfaits de ce self-government local. Il y en a, croyons-nous, 35 à cette heure[1]. En dehors même de l’ancien royaume de Pologne, qui n’est nominalement assimilé aux provinces de l’empire qu’à condition d’être privé du bénéfice de toutes les lois libérales édictées pour la Russie, il reste encore en Europe une quinzaine de gouvernements dénués de ces utiles institutions ; ce sont pour la plupart des provinces frontières, c’est-à-dire les moins russes par la nationalité ou les traditions. Ces contrées, telles que les anciennes provinces lithuaniennes ou polonaises, sont précisément celles qui souffrent le plus de l’arbitraire bureaucratique et de la centralisation pétersbourgeoise[2]. Alors qu’ils se font un juste honneur d’avoir contribué de leurs armes à la libération des Slaves du Balkan, le gouvernement et le peuple russes ne sauraient toujours oublier que, dans les limites mêmes de l’empire, il y a de vastes pays slaves auxquels la Russie

  1. Dans les 35 gouvernements en possession de zemstvos, on comptait plus de 400 assemblées de district.
  2. Les provinces baltiques, Livonie, Courlande, Esthonie, ayant jusqu’ici conservé leur landtag et leurs coutumes historiques, sont dans une position toute différente de celle des provinces polonaises. Ces trois provinces baltiques étaient, en vertu d’anciennes chartes, demeurées des pays privilégiés. Le gouvernement russe est, depuis quelques années, en train de les assimiler au reste de l’empire. Bientôt l’administration locale y aura perdu ses caractères particuliers et le self-government ses formes germaniques et féodales. Il est à désirer que cette inévitable transformation ne profite pas seulement à la bureaucratie et que, dans son désir d’unification, le gouvernement impérial ne détruise pas entièrement des institutions qui, à plusieurs égards, sont supérieures à celles du reste de l’empire, et pourraient suggérer d’utiles modifications dans l’administration provinciale actuelle.