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dats, se montrent faciles ; leurs exigences croissent avec le chiffre même des noms admis. Les derniers sur la liste, voulant ménager leurs propres chances, deviennent moins accommodants pour autrui. Les noms, soumis au vote, sont alors systématiquement blackboulés. Vers la fin, au contraire, quand il reste encore un bon nombre de places vacantes, les électeurs se rassurant sur leur propre élection, il se fait souvent un revirement dans le sens de l’indulgence.

L’empressement des propriétaires aux assemblées électorales et aux séances des zemstvos varie, du reste, singulièrement, selon les régions et les époques. Il arrive parfois que le nombre des électeurs qui se rendent au scrutin, au lieu de dépasser le nombre des députés à désigner, lui reste inférieur. Dans ce cas, les électeurs présents ne sont pas tenus de soumettre leurs noms au scrutin. La loi les autorise à se proclamer élus sans élection.

Ces zemstvos de district, ainsi composés des représentants de trois classes différentes, ont une physionomie tout autre que les assemblées provinciales de l’occident de l’Europe. On y voit figurer, à côté les uns des autres, les marchands enrichis des villes, les grands propriétaires des campagnes, les paysans des villages. Le moujik ne nomme pas seulement à ces assemblées des députés de son choix, d’ordinaire le moujik y entre lui-même avec sa longue barbe, ses mains calleuses et son long caftan, avec son ignorance, ses préjugés et ses notions pratiques. On rencontre souvent encore, dans ces zemstvos, des membres entièrement illettrés, et parfois l’ancien serf y coudoie l’ancien seigneur qui l’a fait fouetter. À cet égard, ces élections par classes donnent des résultats plus démocratiques que ne le feraient des élections sans distinction de classes, comme en réclament certains démocrates. Le système actuellement en vigueur peut seul assurer aux paysans une représentation directe.

Chez un peuple moins conservateur par caractère, moins