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les actes du gouvernement. Ces paroles, prononcées quelques jours avant la triste fin d’Alexandre II, sont probablement les plus hardies qui aient retenti en Russie depuis longtemps. Il se passera peut-être bien des années avant que la noblesse en entende de pareilles. Un tel langage fait honneur, en tout cas, aux assemblées qui l’applaudissent : si la noblesse pétersbourgeoise n’a osé s’y associer par son vote, elle a, sur la proposition de son président, le comte Bobrynski, demandé la remise en vigueur d’une loi conférant à la noblesse le droit de présenter des remontrances sur les abus de l’administration, droit dont elle ne s’était presque jamais servie et dont elle n’avait pas moins été dépouillée.

La noblesse russe a fêté en 1885 le centenaire de l’oukaze de Catherine II qui a constitué le dvorianstvo en premier « ordre » de l’État. À l’occasion de cet anniversaire, elle espérait de l’empereur Alexandre III quelque élargissement de ses droits, quelques nouvelles prérogatives pour ses assemblées. Cet espoir a été déçu. En revanche le gouvernement impérial, voulant concéder quelque chose à « sa fidèle noblesse », a institué, spécialement pour elle, une banque foncière, destinée à prêter aux propriétaires nobles à un taux inférieur au taux du marché libre. On espère arrêter ainsi le mouvement économique qui, depuis l’émancipation, tend à faire passer la terre, des mains des anciens seigneurs, aux mains des marchands et des paysans. Cette création en faveur d’une classe spéciale est, par là même, en désaccord avec l’esprit des grandes réformes du règne précédent, lesquelles tendaient toutes également à la suppression des barrières de castes. Il est douteux, du reste, que cette nouvelle organisation du crédit ait une grande efficacité pratique, d’autant que, s’il prête aux nobles à un taux privilégié, pour les empêcher de vendre, l’État prête de même aux paysans, au-dessous de l’intérêt normal, afin de les aider à acheter[1].

  1. Cette création en faveur de la noblesse n’est en effet que le pendant de