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Devant les marques de parenté de cette race à demi préhistorique avec la plus nombreuse des nations européennes, l’observateur se demande quels sont les aptitudes, le génie, la capacité de civilisation des Finnois. Est-il vrai que leur alliance soit pour les Russes une cause irrémédiable d’infériorité ? Il est permis d’en douter. Dans leur isolement et l’extrême fractionnement de leurs tribus, sur les terres ingrates où ils sont relégués, les Finnois n’ont pu parvenir à un développement original ; en revanche, ils ont partout montré une singulière facilité à s’assimiler aux races plus avancées, chaque fois qu’ils ont été en contact avec elles. Il en est d’eux comme du pays où se rencontrent la plupart de leurs débris, comme du sol russe : ils se laissent aisément conquérir à une civilisation qui n’a pu naître chez eux ; si par le sang ils n’appartiennent pas à notre Europe, ils se laissent sans peine annexer par elle. La religion en est la meilleure preuve. La plupart sont depuis longtemps chrétiens, au moins de nom, et c’est le christianisme qui, plus que toute chose, a préparé leur fusion avec les Slaves, leur incorporation à l’Europe civilisée. De la Hongrie à la Baltique et au Volga, les Finnois ont embrassé avec une égale facilité les trois principales formes historiques du christianisme ; la plus moderne, le protestantisme, a mieux réussi dans leurs tribus de Finlande et d’Esthonie que chez les peuples celles, ibères et latins.

Veut-on chercher dans le langage le signe le plus net de l’intelligence d’une race, certains Finnois, les Suomi de Finlande comme les Magyars de Hongrie, ont porté leurs langues agglutinatives à une perfection qui, pour la force, l’harmonie et la richesse, les a fait comparer aux plus com-

    causais de cette question à Saint-Pétersbourg avec un descendant de Rurik qui lui-même avait les traits les plus réguliers du monde. Je lui disais, après lui en avoir retracé le signalement, que l’empreinte finnoise était souvent plus marquée chez les femmes ; comme il le mettait en doute, vint à entrer dans son cabinet une dame dont le visage était la plus éclatante confirmation de ma théorie. C’était la femme de mon interlocuteur, on comprend que nous interrompîmes notre discussion ethnologique.