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récemment émergées. Il est plus probable qu’au lieu de provenir directement de ces populations préhistoriques auxquelles ils semblent généralement fort supérieurs, les Finnois de Russie n’ont avec elles qu’une parenté lointaine, et qu’eux-mêmes ne sont descendus de l’Oural qu’à une époque postérieure. Quelle qu’ait été la date de leur migration, on peut les regarder comme établis en Europe aussi anciennement que les plus anciennes populations aryennes. Fixés en Europe à une époque aussi reculée qu’aucune de nos familles européennes, aussi autochtones ou aborigènes qu’aucune, les Finnois ont eu plus tard une part considérable dans les invasions de la fin de l’empire romain. Les plus terribles des barbares, les Huns, semblent avoir été d’origine finnoise, comme aussi les Avares, les Bulgares et les Hongrois, le seul peuple contemporain directement issu de cette souche.

Quelle part revient à la famille finnoise dans la formation du peuple russe, et quelles aptitudes physiques ou morales lui a-t-elle léguées ? Lentement refoulés ou engloutis par les races rivales, les Finnois, dans leur submersion, ont laissé çà et là sur la Russie d’Europe des îlots qui témoignent de leur expansion primitive, ainsi que des buttes de formations anciennes dans une plaine où les eaux ont emporté les terrains primitifs et tout recouverts de leurs alluvions. Les groupes finnois dispersés dans l’empire sont singulièrement différents par le degré de culture, par la religion comme par les langues et dialectes. Ils ne comptent que quelques millions d’âmes, et pour tous les éléments de la civilisation, ils offrent plus de diversité que les grandes familles latine ou germanique. Leur parenté a été découverte par les anthropologistes et les philologues ; elle a longtemps échappé à la masse des intéressés, qui n’ont jamais pu avoir une conscience nationale commune, et sont demeurés vis-à-vis les uns des autres dans un isolement moral aussi grand que leur isolement géographique.