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en une sorte de syndicat permanent, membres d’une société agricole, dont ils seraient en même temps actionnaires et ouvriers, les paysans trouveraient sur les terres communales un champ libre à la grande culture.

Sous le régime même des partages périodiques, en dehors de toutes ces lointaines hypothèses, la communauté, qui semble, d’ordinaire, un obstacle à tout progrès, pourrait encore parfois faciliter aux moujiks l’amélioration de leurs terres et de leur système d’exploitation. L’autorité du mir a déjà, dans quelques rares villages, introduit des méthodes plus rationnelles. On cite des communes qui ont abandonné par délibération l’ancien mode d’assolement triennal, d’autres qui ont rendu la fumure des champs obligatoire. Les progrès de l’instruction ne pourraient-ils un jour tirer parti de cette réunion des forces villageoises ? L’association semble seule en état d’utiliser toutes les ressources du sol russe, seule en état de parer à tous ses défauts naturels. Comment contester aux défenseurs de la communauté qu’elle saurait, mieux que le paysan isolé, entreprendre les grands travaux nécessaires à la mise en complète valeur du territoire national, dessécher les marais du nord et de l’ouest, irriguer ou reboiser les steppes du sud et de l’est ?

Il est vrai que, avec la pauvreté et avec l’ignorance actuelles du moujik, seul aujourd’hui directement intéressé dans le mir, toutes ces améliorations, qui semblent la vocation naturelle de la communauté, sont visiblement au-dessus des forces, pour ne pas dire au-dessus de l’intelligence de ces propriétaires collectifs. Il faudrait des générations pour que les communes pussent, à cet égard, comprendre leur intérêt et leur devoir, pour qu’elles sussent au besoin s’associer entre elles, afin de mieux lutter contre les défauts du sol et du climat, souvent accrus aujourd’hui par l’incurie de l’homme. Or, cet esprit d’initiative et d’entreprise, qui seul pourrait tirer parti de la communauté, semble devoir longtemps rester étranger aux