Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la propriété collective voudraient abandonner le sort des terres communes au vote de la simple majorité, se flattant d’amener par là plus vite la suppression de toutes ces sociétés agraires. Contre cette demande, en apparence modeste et légitime, s’élève une première et grave objection. La dissolution de la communauté n’est pas la seule question que, d’après la loi actuelle, le mir ne puisse trancher qu’à la majorité des deux tiers des votants. Il en est de même aujourd’hui de toutes les affaires de quelque importance. Il en est ainsi, par exemple, de tout ce qui concerne les partages, et cette restriction à la domination du nombre n’est pas sans motif. C’est un utile frein à la liberté du paysan, une sage précaution contre les entraînements de villageois ignorants, qui ont d’autant plus besoin d’être contenus et protégés contre leurs propres fautes que, dans sa sphère d’action, la commune est souveraine et omnipotente. Remettre à la simple majorité la plus grave décision que puisse prendre le mir, lui abandonner la dissolution de la communauté, ce serait renoncer, pour toute mesure administrative ou économique, à la salutaire garantie des deux tiers des voix.

Avec cette restriction même, la législation russe actuelle est une de celles qui opposent le moins de barrières à l’aliénation ou au partage des terres communes. En France, où ils occupent encore la onzième partie du sol national[1], les biens communaux sont autrement protégés contre toute velléité de vente ou de partage. La loi laisse les communes libres de faire certaines acquisitions, elle leur interdit d’aliéner sans l’autorisation du pouvoir central. La jurisprudence du conseil d’État est même entièrement opposée à tout partage entre les habitants. En An-

    partisans du mir ont réclamé l’abrogation, ne semble pas da reste avoir eu pour le mir les conséquences qu’on en eût pu redouter, peu de paysans étant en état de profiter d’une pareille faculté.

  1. 4 718 000 hectares avec l’Alsace, 4 548 700 sans compter l’Alsace-Lorraine.