Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/573

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moderne, comme dans notre France d’avant la Révolution, du paysan se faisant parfois pauvre et misérable extérieurement, pour éviter la saisie du collecteur d’impôts[1]. On cite des cultivateurs aisés qui, pour se dégager de cette solidarité, ont renoncé à tout droit sur les terres du mir et même acheté à deniers comptants l’autorisation de sortir de la commune agraire[2]. Le fisc saisit les bestiaux et parfois jusqu’aux instruments de travail des débiteurs arriérés du trésor, au grand détriment de la culture, ainsi obligée de se passer de fumier et d’engrais. De là un mal plus grand encore, la dépendance où les membres de la commune sont vis-à-vis de l’autorité communale, de là des entraves à la première et à la plus simple des libertés, la liberté d’aller et de venir. Le mir responsable pour tous, ne peut consentir à l’éloignement temporaire de ses membres que lorsque ces derniers ont acquité leurs taxes ou fourni caution pour elles. De là enfin un obstacle au développement intellectuel et moral en même temps qu’au progrès matériel, affaiblissement de la responsabilité individuelle, étouffement de l’originalité, de l’esprit d’invention et d’initiative.

La solidarité des taxes peut, il est vrai, être regardée comme la conséquence naturelle et légitime de la communauté du sol. La propriété foncière étant indivise, l’impôt foncier semble devoir être également indivis et collectif ; c’est à la commune d’en répondre pour tous ses membres. Cela peut être juste en principe sans justifier le système

  1. D’après l’enquête agricole (t. II), les paysans aisés du gouvernement de Smolensk cachent leur argent au lieu de l’employer à acheter du bétail, de peur de voir leurs bêtes saisies pour payer les taxes arriérées de leurs voisins. Dans beaucoup de villages, du reste, il y a une classe nombreuse de contribuables en retard (nédoimchtchiki), débiteurs souvent insolvables du mir.
  2. Le nombre des paysans, qui sortent volontairement des communautés de villages, semble aller en augmentant. Dans le gouvernement de Vladimir, par exemple, on n’en a pas compté moins de 2266 en quinze ans, dont 390 pour la première période quinquennale, 739 pour la seconde et 1137 pour la dernière. Vladimirskii semskii Sboernit, 1881.