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CHAPITRE V


Partisans et adversaires du régime de la communauté. — Fréquente exagération dans les deux camps. — Les défauts, les plus justement reprochés au mir, sont-ils tous inhérents à la propriété collective ? Beaucoup tiennent à la solidarité communale et au régime fiscal. — Situation faite aux communes par l’émancipation et le rachat. — De l’étendue du lot des paysans. — Le mir n’est réellement pas encore propriétaire. — Les communautés de village ne seront dans un état normal qu’après le payement des annuités de rachat.


Aujourd’hui, comme au temps du servage, la commune russe a d’ordinaire deux sortes de partisans. Elle a pour elle les slavophiles, défenseurs des traditions nationales, et les démocrates radicaux, disciples plus ou moins avoués de l’étranger. Ceux-là y voient une institution slave et patriarcale, destinée à préserver la Russie des convulsions révolutionnaires de l’Occident ; ceux-ci y veulent découvrir un débris de la communauté primitive du sol et un précieux germe des associations populaires de l’avenir. Entre ces deux écoles, d’esprit et de point de départ si différents » entre le slavophilisme orthodoxe et le radicalisme cosmopolite, ce goût pour la commune agraire établit comme une sorte de trait d’union. Sur le terrain du mir, des conservateurs à tendances plus ou moins nationales et parfois aristocratiques se plaisent à faire des avances au socialisme ou au radicalisme niveleur, affectant de déplorer, comme incurablement vicieuses, les conditions sociales des États les plus prospères de l’Occident, donnant à entendre que la Russie est le seul pays où la propriété ait une organisation rationnelle, et, non contents de proclamer que la propriété foncière est l’indispensable complément