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devenant presque partout de moins en moins fréquents et les lots à distribuer de plus en plus exigus, par le fait même de l’accroissement de la population[1]. La propriété collective est ainsi doublement accusée d’inefficacité, accusée de ne pouvoir réellement mettre la terre à la portée de tous, et de ne pouvoir tirer de la misère les familles qu’elle parvient à doter de terres.



  1. A en croire une publication du ministère des domaines (Materialy dila izoutch, sovrém polog. semlévladéniia, 1880 ; p. 17> 18), le chiffre des paysans privés de terres tendrait au contraire à diminuer, grâce à la récente diminution des partages de famille. Malheureusement cette assertion n’est appuyée que sur des documents fort incomplets et sur des chiffres dont les Materialy eux-mêmes reconnaissent le peu d’autorité. Puis, quand ce fait serait bien constaté, ce ne serait pas la diminution des partages de famille qui réduirait le nombre des paysans exclus de la terre, ce serait plutôt l’inverse, ce serait le manque de terre et la crainte d’en rester privés qui retarderaient les partages de famille, en retenant les jeunes ménages auprès de leurs parents.
      Les prolétaires ruraux seraient déjà beaucoup plus nombreux sans la ressource offerte à la Russie par la colonisation. (Voy. ci-dessous p. 599). La plupart des paysans qui émigrent en Asie y sont poussés par le manque de terres. D’après un compte rendu d’un commissaire du gouvemementv M. Tcharouchine, sur le passage des paysans, en 1887, par la province de Tomsk, 62 pour 100 des émigrants en Sibérie ne possédaient que peu ou point de terres. Sur 780 familles, 479 déclaraient avoir quitté leur commune faute de terre ; 278, faute de travail. En dépit du mir, les causes de l’émigration des paysans ou des ouvriers sont donc à peu près les mêmes en Russie qu’en Occident. En 1890 l’on évaluait à 40 000 le chiffre annuel des émigrants russes en Sibérie. L’émigration, qui jusque-là se faisait presque au hasard, a été réglementée par la loi, en 1889.