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l’âge ou la maladie pouvaient seuls exempter. De fait, dans la plupart des communes où le revenu de la terre reste inférieur aux impositions, les hommes de vingt à soixante ans sont comptés comme travailleurs et, comme tels, obligés de prendre une part de terre et d’impôts. Dans les villages les plus pauvres, cette espèce de service du mir commence à 15 ou 16 ans ; il faut d’ordinaire avoir atteint 60 ans, 55 au moins, pour avoir le droit de demander à en être libéré.

Si l’antiquité en était bien établie, le partage par tiaglo ou par unité de travail, semblerait confirmer, au moins en partie, les vues de M. Tchitchérine et de l’école qui regarde la commune russe, dans ses formes actuelles, comme un produit de la fiscalité moscovite[1]. À cet égard aussi, on pourrait voir, dans le mode de répartition de l’impôt et dans la lourdeur des taxes, une des principales raisons du maintien du régime de la communauté. Dans un État où, durant des siècles, le système fiscal a fait de la possession de la terre autant une obligation et une charge qu’un avantage et un droit, les raisons, qui ailleurs poussaient à la dissolution de la communauté, devaient avoir peu d’empire. Pourquoi procéder au partage définitif, alors que souvent le contribuable avait moins d’intérêt à étendre son lot qu’à le réduire ? En fait, le mir n’a peut-être traversé les siècles que grâce aux charges qui l’accablaient, les individus redoutant de prendre à leur propre compte le fardeau qui incombait à la communauté.

Cette distribution de la masse des impôts et de l’ensemble des terres, conformément aux ressources de chacun, constitue ce que l’ingénieux investigateur d’Arachine appelle le cadastre populaire, et, d’après lui, il n’en est guère besoin d’autre[2]. Peu importe l’assiette de l’impôt,

  1. Voyez plus haut, chap. I, page 465.
  2. V. Trirogof : Narodnyi Kadasr, S. Pet., 1880.