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C’est ici le cas d’emprunter à M. Le Play la méthode des monographies, tout en rappelant qu’une pareille méthode ne saurait donner que des faits particuliers qu’il serait téméraire de trop généraliser. Le mir russe, il ne faut pas l’oublier, ne connaît ni lois ni règles uniformes, les coutumes changent de région à région, de district à district, parfois même de village à village, chaque communauté étant maîtresse de régler ses partages à son gré, pourvu qu’elle acquitte les impôts à sa charge.

Un économiste, M. Trirogof, voyant dans les communautés de village les cellules organiques du grand corps russe, résolut d’en étudier une de près, pour ainsi dire au microscope. Au bout de plusieurs années de patientes observations, il nous a donné successivement, en deux curieux mémoires, les résultats de cette sorte d’histologie sociale[1]. La commune du gouvernement de Saratof, soumise à cette analyse, s’appelle Arachine ; rien ne la distingue de ses voisines.

Au moment des investigations de M. Trirogof, Arachine comptait 493 habitants des deux sexes, qui formaient 87 familles, demeurant dans un nombre égal de maisons. Les âmes, recensées à la dernière revision et soumises à la capitation, atteignaient le chiffre de 212. Le territoire communal embrassait 846 desiatines[2] de terre arable, moins les potagers et les chenevières avoisinant immédiatement le village. Les terres arables, divisées comme d’ordinaire en trois champs, étaient réparties en un nombre de lots égal au nombre d’âmes imposées, soit 212 lots de 4 desiatines environ, comprenant chacun une parcelle des trois champs communaux. À la répartition de la propriété cor-

  1. Les deux mémoires de M. Trirogof, publiés, l’un en 1878, par la Société de géographie, l’autre dans le Vestnik Evropy, en nov. 1879, ont pour titre, le premier, Podatnaia doucha (l’âme imposée), le second, Podalnaia denstina (la désiatine imposée). Les résultats et conclusions de cette double étude ont été exposés par le même auteur dans une brochure intitulée Narodnyi kadastr, St-Pét. 1880.
  2. La désiatine, on le sait, vaut 1 hectare 9 ares.