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CHAPITRE IV


La théorie et la pratique dans le mir. — L’égalité matérielle des lots n’entraîne pas toujours l’égalité dans le partage. — Répartition selon la capacité de travail ou les ressources des travailleurs. — Monographie d’une commune. Familles sans âmes, familles fortes, moyennes, faibles. — Le mir providence. — Arbitraire et injustices. — L’usure. Les mangeurs du mir. — Oligarchie villageoise. — Paysans privés de terre et prolétariat rural.


Le syslëme de rigoureuse et maiérielle égalité, qui prévaut d’ordinaire dans la composition des lots, est loin d’empêcher toute inégalité dans le mode de distribution. Le plus souvent, les procédés de répartition des communes n’ont rien de fixe ou de régulier, rien du moins de mathématique : le mir n’est pas un compteur mécanique, notant uniquement le nombre et la quantité. Il n’en est pas de ces allocations de terre, comme de nos affouages de bois communaux, qui se font strictement par feux ou demi-feux. Le mir russe en use avec ses membres d’une manière beaucoup plus paternelle, par suite, beaucoup plus arbitraire ; il ne prend pas seulement en considération le nombre d’habitants d’une maison, mais bien leur âge, leur état de santé, leurs ressources. Dans la répartition du fonds commun, le mir, d’ordinaire, tient compte des inégalités naturelles ou accidentelles, il pèse les forces et la capacité de tous, traitant chacun suivant ses besoins ou ses facultés.

On se tromperait étrangement si, dans cet effort pour compenser les inégalités naturelles, on ne voyait qu’un instinct humanitaire ou un socialisme inconscient, résolu à tout égaliser, à tout niveler, en dépit de la nature. Le