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forêts, sauf à soumettre, comme en France, les bois communaux à un sévère régime foreslier. Pour les forêts, la communauté, dès qu’elle est assujettie à un pareil contrôle, ne présente que des avantages sans aucun des inconvénients signalés pour les terres arables. C’eût été là peut-être l’un des moyens les plus efficaces de prévenir le trop rapide déboisement du pays avec tous les maux qui en découlent. En laissant les forêts à l’ancien seigneur, l’émancipation a indirectement porté un double dommage à la richesse forestière de l’empire, par suite à toute l’économie rurale et même, dans une certaine mesure, au sol et au climat russes, empirés par le déboisement. Le pomêcthtchik, appauvri par l’émancipation, avait double raison pour couper le bois demeuré en sa possession ; c’était pour lui le meilleur moyen de faire de l’argent, de se procurer un capital qui d’ordinaire lui manquait et, en même temps, c’était la façon la plus simple de se mettre à l’abri des déprédations du paysan, de parer à des rapines, insuffisamment réprimées par la police et par les lois. J’oserai dire ainsi que, faute d’avoir pu soustraire les bois à l’avidité besogneuse du pométchtchik et au pillage du moujik, l’émancipation n’a pas été étrangère à la dévastation des forêts, si multiples et si imprévues ont été les conséquences de la grande réforme[1].

Le domaine communal est généralement formé de terres de labour et de pâturages. Ces derniers, que l’émancipation

  1. Dans le royaume de Pologne, au contraire ; on a maintenu, souvent même on a étendu démesurément les droits d’usage du paysan sur les forêts, sans donner aucun dédommagement au propriétaire. On est ainsi tombé dans un excès inverse, et cela, semble-t’il, sans profit pour les forêts mêmes. Les servitudes, en partie imaginées dans un intérêt politique, pour maintenir l’antagonisme entre la noblesse et les paysans, pèsent lourdement sur la propriété. La plupart des propriétaires polonais font effort pour s’en affranchir en les rachetant ou en cédant aux paysans une portion du fonds. Cette combinaison, avantageuse aux deux parties, rencontre malheureusement souvent des obstacles dans le mauvais vouloir des fonctionnaires russes. Voyez sur cette délicate question : Un homme d’État russe, d’après sa correspondance inédite.