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au lieu de se borner, d’ordinaire, au père, à la mère et aux enfants non mariés, elle embrassait fréquemment plusieurs générations et plusieurs ménages, liés à la fois par les liens du sang et par la communauté des intérêts[1].

Souvent plusieurs fils mariés, plusieurs ménages collatéraux vivaient ensemble dans la même maison ou dans la même cour (dvor), travaillant en commun sous l’autorité du père ou de l’aïeul. La famille était ainsi comme une commune au petit pied, une communauté gouvernée par un chef naturel, le domokhoziaïne ou bolchak, assisté de sa femme pour les soins de l’intérieur[2]. Dans la maison, en effet, devant l’inégalité native du père et de l’enfant, il y a un chef, ne tenant son droit que de lui-même et de la nature ; il ne saurait y avoir de démocratie, l’élection ne peut intervenir qu’à défaut du chef de famille. Quand le père, selon la chair venait à manquer, il était,

  1. Les savants russes, qui, dans ces dernières années, ont beaucoup agité toutes ces questions, reconnaissent souvent, chez le paysan, deux types de famille, la grande ou patriarcale (bolchaiia ou rodovaiia, de rod, le latin, gens) et la petite (malaïa ou otsovskaïa, de otsy, pères ou parents), la famille au sens étroit. Toutes deux se rencontrent, en effet, souvent côte à côte dans les mêmes régions, bien qu’à l’inverse du passé, la première tende à devenir de plus en plus rare ; mais, entre ces deux modes de famille, d’habitation et d’exploitation, il y a trop de transitions naturelles et de degrés intermédiaires, le passage de l’un à l’autre est trop facile et trop fréquent, pour qu’on en puisse faire deux types opposés.
  2. Au chef de ménage, au domokhoziaïne russe, on peut comparer le domatchine de la zadrouga serbe. En fait, entre la famille indivise véliko-russe et la zadrouga iougo-slave, il y a une analogie qu’on a vainement contestée. Il a été démontré, par MM. Matvéief et Samokvasof entre autres, qu’en certains gouvernements russes, dans celui de Samara en particulier et aussi dans celui de Koursk, il existait encore récemment des communautés de famille, fort semblables, pour l’organisation et pour les caractères juridiques, à la zadrouga serbe, qui elle-même, du reste, offre différents types. Mémoires de la Société imp, de géographie : po otdèl, etnog.), t. VIII, 1878, 1e et 3e parties ; Samokvasof : Istoriia rousskago prava, t, I, p. 232 ; M. Kovalevsky : Krititch, Obozrénié, juillet 1879. Les communautés de famille, dans lesquelles certains savants russes voient un type spécial de tenure, qu’ils appellent propriété par cour ou enclos (podvomoé vladénié), se rencontrent encore dans une petite classe particulière, les odnovortsy, notamment dans le gouvernement d’Orel. Voy. un mémoire de M. Matvéief : Otcharki narodn. iourid, byta Orlovskoi goub.