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et surtout le partage périodique des terres auraient été étrangers à la Moscovie, aussi longtemps que les paysans étaient demeurés libres.

C’est le servage, c’est la solidarité des paysans pour le payement des impôts et le recrutement militaire qui, selon cette école, auraient introduit chez le moujik le partage égal du sol. En faveur de ce point de vue, on cite d’anciens documents historiques, des chartes authentiques, des testaments ou lettres spirituelles (doukhovnyia gramoty), voire des actes de partage ; on cite l’exemple de la Petite-Russie, pays foncièrement slave et russe, qui, avant la domination moscovite, avant l’introduction du servage et des institutions rurales de la Grande-Russie, ne connaissait que des propriétaires personnels, nobles ou cosaques, et des paysans attachés au sol par de libres contrats. Au lieu d’une institution patriarcale ou familiale (rodovaïa), la commune russe n’est, pour M. Tchitchérine, qu’une institution d’État (gosoudarstvennaïa). Le mir moscovite n’a ni la même origine ni le même caractère que la zadrouga des Serbes ou des Bulgares, dont les communautés de familles ont, à travers toute l’histoire, gardé l’empreinte patriarcale. La commune russe, au contraire, n’est pas sortie spontanément de la propriété primitive ou de la libre union des cultivateurs du sol, elle est issue de la servitude de la glèbe et des besoins de la souveraineté politique, sous l’influence de certains procédés de gouvernement.

Dans ce système, combattu par la plupart des écrivains russes, historiens ou critiques[1], ne peut-il y avoir une part

  1. Je citerai en particulier Bêlaef : O selskoï obchtchiné (1856) et Krestiane na Rousi (1860) ; Sokolovski : Otcherk istorii selskoï obchtchini na sêveré Rossii. Pour la polémique sur l’antiquité des communautés de village en Russie, voyez MM. Guerrier et Tchitchérine : Rouskii dilettantism i obchtchinoe semlévladénié (1878), et deux lettres de MM. Tchitchérine et Kovalevski dans la Kritischeskoe Obozrénie de Moscou (1879, no 2). Cf. M. Blumenfeld : O formakh zemlévladénia v drevnei Rossii, Odessa 1885, et Mme Efimenko : Issiêdovaniia narodnoï jizni.