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sons en est une preuve. Comme cet excédent, cependant, est dû pour la plus grande partie aux surtaxes de l’alcool, comme il n’est accompagné d’aucune diminution dans les autres impôts qui pèsent sur le paysan, les statistiques financières mêmes montrent que, malgré sa pauvreté, le moujik gagne assez pour ajouter à ses impôts forcés la libre contribution du cabaret, sans compter que les annuités de rachat lui font en réalité faire des économies contraintes[1].

Un autre des reproches faits à l’affranchi des campagnes, c’est son imprévoyance. Il sait moins bien qu’au temps du servage se mettre, par de larges réserves, à l’abri de l’inconstance du climat et des mauvaises récoltes, auxquelles eu Russie les meilleures terres sont toujours exposées. Ce reproche des défenseurs du passé se retourne contre le servage, qui a jadis habitué le paysan à se reposer de tout sur son maître, comme un enfant sur son tuteur.

Il paraît avéré que, depuis qu’ils n’ont plus derrière eux un bârine, intéressé à leur venir en aide, nombre de paysans supportent moins bien les accidents de toute sorte, trop fréquents dans les campagnes russes, maladies, épizooties, incendies, insectes destructeurs, récoltes insuffisantes. Aussi entend-on parfois regretter l’absence d’une institution qui, de même qu’autrefois le propriétaire, prête secours au moujik, atteint par des calamités accidentelles. Qu’on s’adresse à la commune, aux assemblées provinciales ou à l’État, qu’on ait simplement recours à une banque de crédit, l’organisation d’une pareille providence villageoise est d’autant moins aisée, que l’imprévoyance

1. Les progrès mêmes de l’ivrognerie semblent, pour les dernières années au moins, fort contestables. D’après de récentes statistiques, la production de l’eau-de-vie, qui en 1864 s’élevait à 27 millions de vedros (le vedro contient environ 12 litres), aurait en 1874 diminué de 3 pour 100, alors que la population avait augmenté de 10 pour 100, et depuis 1874, il y aurait eu une nouvelle réduction dans la consommation intérieure. Le nombre des cabarets aurait baissé de 40 pour 100, et cela particulièrement dans les campagnes. Par contre, le paysan consomme plus de thé et de sucre, ce qui est l’indice d’un progrès du bien-être (Voyez plus haut, p. 141.)

  1. Les progrès mêmes de l’ivrognerie semblent, pour les dernières années au moins, fort contestables. D’après de récentes statistiques, la production de l’eau-de-vie, qui en 1864 s’élevait à 27 millions de vedros (le vedro contient environ 12 litres), aurait en 1874 diminué de 3 pour 100, alors que la population avait augmenté de 10 pour 100, et depuis 1874, il y aurait eu une nouvelle réduction dans la consommation intérieure. Le nombre des cabarets aurait baissé de 40 pour 100, et cela particulièrement dans les campagnes. Par contre, le paysan consomme plus de thé et de sucre, ce qui est l’indice d’un progrès du bien-être (Voyez plus haut, p. 141.)