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et toutes les classes de la société, les marchands particulièrement, auxquels l’émancipation concédait l’accès de la propriété foncière, étaient intéressés au succès de la grande réforme. C’est ainsi du reste, avec le concours de l’État, qu’a été effectuée, depuis lors, l’opération analogue, dirigée par N. Milutine dans le royaume de Pologne ; et, c’est probablement là un des motifs pour lesquels, malgré la dureté des conditions imposées à la noblesse du royaume, ces lois agraires ont peut-être mieux réussi en Pologne que dans l’intérieur de l’empire[1].

L’empereur Alexandre III a soulagé les souffrances du paysan d’une double manière, par une revision des impôts directs et par une réduction des redevances de rachat. L’État a cherché à égaliser les charges des anciens serfs et des paysans de la couronne, qui ont été pourvus de terres sur les domaines de l’État ; il s’est efforcé de venir en aide à la partie la plus accablée de la population rurale[2]. L’obstacle était dans la gêne des finances impériales. La guerre de Bulgarie, qui avait jeté sur le Trésor une surcharge inopinée de plus d’un milliard de roubles, semblait rendre pour longtemps une telle opération malaisée. Cette difficulté n’a pas arrêté l’empereur Alexandre III et ses conseillers.

En dépit de la pénurie du Trésor, le gouvernement impérial a su diminuer les charges qui écrasent le peuple des campagnes. C’est la principale tâche que semble s’être donnée l’empereur Alexandre III, avant tout préoccupé du bien-être de ses fidèles paysans. Le tsar s’était promis de diminuer à la fois et les impôts qui frappent le moujik et les redevances de rachat. Dès la fin du règne

  1. Voyez sur les lois agraires de Pologne, que nous ne pouvons analyser ici : Un homme d’État russe d’après sa correspondance inédite : ch. X et XI.
  2. Sous Alexandre III, on s’est appliqué à proportionner, autant que possible, les payements des anciens serfs et ceux des paysans de la couronne, quant aux sommes à verser et quant à la durée du rachat, afin d’éviter que les deux classes de paysans ne fussent dans une situation économique trop différente.